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Mes Interviews Culinaires: Olympe Versini !

Catégorie : InterviewReportage

Cette fois nous retrouvons Olympe Versini, qui s’est prêtée avec gentillesse et humour à ma petite interview. Direction Casa Olympe, 48 rue Saint Georges. J’avais rencontré Olympe lors d’un dîner, et vous aviez pu découvrir une petite recette qu’elle avait accepté de partager, le Croque-Olympe. Mais ce serait bien malheureux de réduire notre Olympe à cela! Première femme à avoir eu une émission culinaire à la télévision et à la radio, étoilée par le « Guide Michelin », elle a tourné le dos à cette vie pour se consacrer à une cuisine plus généreuse et authentique. 




Bernard: Qu’est-ce qui amène une jeune fille de 23 ans, dans les années 70 à ouvrir un restaurant et sans le vouloir, à décrocher une étoile? Quels sont vos antécédents?
Olympe: Mon père se met à la cuisine par goût à 53 ans, alors qu’il était avocat. Ça fait un gros changement! Ma mère cuisine bien, mais pas pour un restaurant. Elle avait une auberge dans le sud et a arrêté de travailler à l’âge de 88 ans. J’avais des grands-mères qui cuisinaient, aussi bien du côté de ma mère avec des ascendants italiens, que du côté de mon père, plutôt corses. Tout cela joue dans ma culture et je ne me suis absolument pas préparée à ouvrir un restaurant. C’est le hasard qui fait que j’achète une boutique rue du Montparnasse et qu’à la suite de cela, j’ouvre un restaurant, alors que je voulais travailler dans la mode. 
N’est-ce pas difficile au début de cuisiner pour son restaurant sans vraiment connaitre le métier? Car cuisiner pour soi et cuisiner pour des clients n’est pas vraiment pareil!
C’est pas du tout la même chose, donc je cuisine comme chez moi. Je pense que c’est pour cette raison que ça fonctionne. C’est tellement nouveau! A l’époque c’est la nouvelle cuisine… Je commence en 1973, on ne parle que de cela. Et la manière dont je cuisine, ça rentre dans les cases de cette époque car je n’ai justement pas appris la cuisine. Je ne fais pas des choses compliquées parce que je n’ai pas le temps, donc je fais des choses « minute », ce qui est nouveau aussi. 
Y a-t’il beaucoup de femmes, à cette époque, qui cuisinent?
Non, il y a peu de femmes, il y en a toujours peu d’ailleurs. Il y a Darroze et cetera mais il y en a pas beaucoup plus qu’avant. À l’époque il y en a peu et en plus elles sont âgées. A Lyon, il y a les « mères »  comme Madame Brazier. À Paris il y a des femmes qui ont des restaurants qui sont réputés. Il y en a une qui a mon âge ou un tout petit plus âgée, mais sinon ce sont des femmes plus âgées. Dans la capitale, il y a six ou sept femmes qui sont connues, c’est tout.
Qu’est ce que pour vous la grande cuisine?
Je trouve que le mot « grande cuisine » est un peu démodé. Ça me fait penser un peu à la cuisine des années cinquante. Alors que la cuisine aujourd’hui, peut être comme celle de Ferran Adria qui est une cuisine très moderne. On n’emploie plus ce terme. Mais je ne me suis jamais vraiment posée la question. Je pense que le principal de la cuisine, c’est qu’elle doit être bonne, avec des bons produits et laisser à chacun la liberté de la concevoir, un peu comme Thierry Marx et sa cuisine très moderne. Mais je suis toujours étonnée. Car c’est une cuisine moderne dans la présentation, mais finalement dans le goût, ça reste toujours la même chose. Si Ferran Adria il y a 10 ans fait des petit pois, en réalisant une restructuration de petits pois très complexe à la fabrication,  c’est en fait pour retrouver le petit pois. C’est pour retrouver un liquide enrobé qui a le goût de petit pois. Je trouve que c’est assez marrant de le goûter une fois, deux fois. Mais ce que j’aimerais, c’est que l’on me donne d’autres goûts. Et d’autres goûts, je n’en connais pas! J’ai toujours découvert des goûts, même dans cette cuisine extrêmement moderne, mais qui reste toujours des goûts que l’on connait. Il faudrait que ce soit plus innovant, dans des goûts inconnus. Je pense qu’ils sont trop vieux pour chercher ces goûts!
Vous dites que ce qui compte dans la cuisine c’est avant tout « le produit, de nouveau le produit… et la cuisson! ». Est-ce vraiment tout et n’importe qui peut-il cuisiner avec ces éléments?
Encore le produit! Et non, si on donne de bons produits à quelqu’un qui ne sait pas cuisiner… Et je pense qu’il faut justement savoir cuisiner pour maîtriser la cuisson. Et ça, ou c’est inné ou alors on l’apprend. Mais c’est assez complexe, c’est la chose qui est la plus difficile. Et apprendre à maîtriser la cuisson, ça veut dire quoi? Ca veut dire arriver à donner au maximum de personnes, la même cuisson pour tout le restaurant, ou la cuisson choisie par le client. Et d’ailleurs mon goût, avec le temps, a changé. Je vais vers des cuissons plus cuites aujourd’hui. Pour mon goût personnel. Pourquoi je ne sais pas! Mon goût change et il y a des produits qui ne sont plus ce que j’ai connu, alors je les préfère un peu plus cuits etc… Mais le goût pour des jeunes d’aujourd’hui, reste quand même dans leurs têtes, une cuisine où les produits ne doivent pas être trop cuits. Et même cela n’est pas évident. Donc on peut rater la cuisine à cause de la cuisson, malgré de bons produits. Mauvaise nouvelle donc! (rires)
En 1993, vous avez changé complètement de cap. Vous avez ouvert « Casa Olympe », qui était un restaurant tenu à l’époque par une dame de 84 ans, le « Casa Miguel ». Vous avez donc tourné le dos à cette vie assez médiatisée, la radio, la télévision, la fameuse « étoile ». N’y a-t’il jamais eu de regret? 
Ah non, il n’y jamais eu absolument aucun regret. Car c’est très prenant. Si on veut atteindre un trois étoiles, il faut beaucoup d’investissement. Et ça ne m’intéresse pas de donner de l’argent aux banques. Je n’ai pas une famille qui m’a laissé des restaurants ou des choses comme ça! Je n’avais pas les moyens, et il faut être deux, car c’est extrêmement complexe. On est un peu prisonnier de son travail et moi, je n’ai jamais eu envie d’être prisonnière de rien. Je me suis trouvée beaucoup mieux dans cette restauration que je fais aujourd’hui. Et à l’époque, en 1993, les cartes « menu », les restaurants à tendance « bistrot », la cuisine servie dans la cocotte, tout cela était nouveau. J’avais même eu une photo, pour un article sur mon restaurant, avec une cocotte dans le Figaro! Servir la cuisine dans le plat dans lequel elle a été préparée, c’était nouveau pour beaucoup de monde.

Une de vos passions est la lecture. Est-ce vrai que vous ne consultez jamais de livres de cuisine?

Oui c’est vrai, je n’ai jamais lu de livre de cuisine au complet. Mon père m’avait mis dans la tête de lire les recettes d’Ali Bab (Gastronomie Pratique). Je les ai donc consultées, mais elles sont extrêmement complexes. Car c’est une cuisine que l’on ne fait plus. Il fallait cuire 4 lièvres pour faire une sauce… En revanche, il m’arrive d’acheter des livres de cuisine, uniquement pour les images. Mais j’ai donné toute ma bibliothèque de livres de cuisine, je l’ai distribuée. Je consulte encore un peu des magazines culinaires aussi, mais toujours pour les photos. Ça me donne des idées. Ça ne me donne pas l’idée de la recette, mais l’idée d’un produit, d’une présentation.  C’est donc plus visuel que la vraie lecture d’une recette. J’ai essayé des recettes de pâtisserie, parce que ce n’est pas mon fort. Mais je n’ai rien compris! (rires)

Certains des tableaux présents dans la salle de Casa Olympe, ont été peints par votre maman. Vous peignez également. Y a-t’il pour vous un parallèle entre la création d’un tableau et la cuisine?

Oui! Ma maman était peintre. Depuis toute petite, j’ai baigné dans les odeurs d’huile de lin et autre peinture… Je n’ai pas appris le mélange des couleurs. Je n’ai pas de mémoire, je suis incapable de me souvenir du nom d’une couleur que j’ai mélangée. Je ne le retrouve qu’en le voyant et c’est en mélangeant que je trouve les couleurs qui m’intéressent. C’est assez facile, j’arrive à recréer une couleur, si je sais ce que je veux. Et c’est un peu comme travailler des épices. Ça ressemble à ça. On mélange les odeurs pour obtenir un produit avec lequel on va travailler. J’aime beaucoup les couleurs comme j’aime les épices, mais je mets moins d’épices qu’auparavant. Je voudrais arriver à faire une cuisine sans épice et sans herbe. Ce n’est pas évident, mais petit à petit j’y arrive. 

Vous adorez voyager. On sait qu’il y a trente ans, ces voyages influençaient beaucoup votre cuisine. Est-ce toujours le cas aujourd’hui? 
Les voyages m’influencent beaucoup moins, car quand j’ai pris ce lieu, je n’ai pas voulu de notes exotiques dans la cuisine. Je ne veux pas , quoique j’aime beaucoup, que l’on retrouve dans ma cuisine des influences de Thaïlande ou de Chine. Je veux éviter cela. Mais à l’époque oui beaucoup! C’était d’abord le Japon pour ses modes de cuisson, ses découpages et ses techniques, plus bien sûr, que pour ses épices. Je suis allée assez peu en Asie, hormis le Japon. mais comme j’aime beaucoup aussi la cuisine chinoise, on pouvait retrouver ses influences dans ma cuisine. Mais aujourd’hui c’est ce que je veux éviter. 
Y a-t’il un chef, homme ou femme, en France ou à l’étranger, que vous admirez aujourd’hui? 
Je suis allée il y a plus de dix ans chez Ferran Adria et j’avais beaucoup aimé. Cela m’avait beaucoup plu,  dans le goût et dans l’idée de la présentation. Je n’y suis pourtant plus retournée depuis 2000. Quant à admirer… j’admire très difficilement, surtout les cuisiniers. J’ai eu bien sûr beaucoup d’admiration il y a longtemps, mais maintenant je ne sors plus dans les restaurants. Je vais chez des copains dont j’aime bien la cuisine. Je ne fréquente pas vraiment le milieu. Il y avait dans les années 80, Frédy Girardet, qui était à Crissier en Suisse que j’aimais beaucoup et Jean-Marie Amat à Bordeaux. Ils étaient des cuisiniers qui m’avaient marquée étant jeune, et qui étaient vraiment intéressants. 
Vous étiez la première femme en France à avoir une émission culinaire dans les années 70. Comment cela se passait-il à l’époque? Quel regard portez-vous sur l’hyper-médiatisation d’aujourd’hui de la cuisine, que ce soit des blogs comme moi, les livres, les magazines, les sites, les chaines et les émissions de télévision?
Sur la médiatisation télévisuelle: c’est vrai qu’à l’époque j’étais la seule femme. Il y avait des hommes, comme Raymond Oliver, son fils, Michel Oliver et Michel Guérard. C’est tout et moi j’arrive, la quatrième, une femme, qui fait des émissions de télévision. J’ai fait ça pendant quatre ans et je faisais ça en direct! On me disait : « aujourd’hui tu as onze minutes ». La fois d’après c’était neuf minutes, et il fallait que je me débrouille pour faire une recette et la faire comprendre aux téléspectateurs. C’était très complexe, mais ça fonctionnait pas trop mal. Et pourtant je n’ai jamais été trop fan de la télé. J’aimais beaucoup la radio. Il y avait trop de stress à la télévision. 
Pour la médiatisation d’aujourd’hui, c’est vrai qu’il ne faut pas avoir peur du ridicule. Ça ne m’intéresse pas en tant que spectatrice pour apprendre quelque chose. Je trouve que ces émissions comme « top chef »n’ont pas beaucoup d’intérêt. Ce n’est pas la réalité. Quand les chefs se mettent à gueuler comme à l’armée, cela devient du guignol. Il faut savoir être autoritaire en cuisine, mais pas de cette façon!
Pour les blogs: je ne savais pas ce que c’était, car je n’en regarde jamais. J’en ai découvert quand nous nous sommes rencontrés (Diner par Lagostina). Je dois dire que je prenais les blogueurs de cuisine pour des pseudo journalistes. Je ne connaissais pas. Maintenant j’ai compris que c’est complètement différent. Ce sont des gens qui aiment vraiment ce qu’ils font, qui le partagent et qui en même temps,  sont complètement détachés de la chose, car ils ne gagnent pas d’argent avec leurs blogs. Ils le font vraiment pour le plaisir et sont plutôt sympathiques. Donc c’était plutôt une agréable découverte. Ce qui m’a donné l’idée de faire peut être un blog à partir de la rentrée. Ce serait pour raconter des choses, qu’en tant que cuisinière j’approche plus que vous. Je ne dis pas que ce sera tout le temps car c’est un vrai boulot, et je n’ai pas vraiment le temps, mais peut être des humeurs avec des idées de recettes, plus que de vraies recettes. J’en ai marre d’écrire des recettes! (rires) Comme j’adore faire de la photo! Cela fait cinq ans que je m’y suis mise, mais je ne veux pas apprendre, comme pour la cuisine. 
Auriez-vous un message ou un conseil à faire passer aux lecteurs de mon blog? 
Quand on a une passion pour la cuisine, il faut tout d’abord persévérer. Il ne faut rien craindre et il faut faire comme on aime. Je fais d’ailleurs la photo et la cuisine comme cela. Même sans savoir, en aimant, en ayant son « oeil », qui sera différent des autres. Et parfois les grands cuisiniers ne sont pas si grands que cela… Je finirai avec ça! (rires) Ils se croient parfois très grands, mais ils sont plutôt…lourds! Donc tout le monde peut encore cuisiner! 
Merci à Olympe pour cet entretien!

N’oubliez pas de consulter le Croque-Olympe:

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2 commentaires

Anonyme 8 juillet 2011 - 17 h 21 min

A mon prochain passage a Paris ,je vais direct chez Olympe,merci pour ce sympathique reportage

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La cuisine de Bernard
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